Le Dormeur du Val

… Plus ou moins conscient de cela, ce pourrait être pourquoi Serge Reggiani a, en diverses circonstances, fait suivre sa récitation du poème Le Dormeur Du Val par la chanson  Le Déserteur de Boris Vian. Son interprétation est magnifique mais un peu gâchée par un accompagnement musical trop bruyant pour être en phase, selon mon goût, avec la sobriété des mots choisis par Boris Vian. C’est donc une interprétation de ce dernier que je vous propose ici.

Arthur Rimbaud écrit le sonnet Le Dormeur du Val en octobre 1870.
La capitulation désastreuse de Sedan était intervenue quelques semaines plus tôt, le 1er septembre.
Boris Vian écrit Le Déserteur en février 1954.
La « Toussaint Rouge », qui marque le début de la guerre d’Algérie, n’aura lieu que neuf mois plus tard, le 1er novembre de la même année
La chanson se réfère au conflit d’Indochine, autre guerre coloniale.
En février 1954 René Coty est Président de la IVème République et Joseph Laniel président du conseil des ministres
Les paroles de la chanson s’adressent au chef de l’exécutif, Joseph Laniel, et non au Président Coty.
En fait, dans la version donnée à écouter ici, Boris Vian s’est autocensuré. Le dernier couplet du texte original est beaucoup plus violent.
A tel point qu’il contredit l’humanisme et le pacifisme exprimés dans tout le reste du texte. Ce qui peut jeter un doute sur la sincérité des sentiments revendiqués par l’auteur.
La version de Mouloudji, carrément affadie, date de 1955. La guerre d’Algérie fait rage. Mouloudji justifie ainsi sa version:
« En 1954, beaucoup de journalistes m’ont reproché d’avoir édulcoré Le déserteur. Mais ils n’avaient qu’à venir au moment où je l’ai créée:
ils auraient vu que je m’appelais Mouloudji, que j’avais un nom arabe et que j’ai créé cette chanson le jour de la prise de Dien Bien Phu! »

Voici la version de Mouloudji et celle, non censurée, intreprétée par Marc Robine: